Chalandre Fernand

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Portrait de Fernand Chalandre
  • C'est aux Montapins, dans cette droite et longue rue tracée à travers les vignes et dénommée rue de la Raie, que vient au monde Fernand Camille Chalandre le 23 juillet 1879. Il est le fils de Florentin Chalandre, peintre en céramique, demeurant au n° 14 de la rue Saint Benin et de Élisa Angèle Chauveau Dumatray.
  • Son berceau voisinait avec un four à cuire la faïence, et les belles céramiques nivernaises lambrissant l'intérieur familial furent pour ses yeux d'enfant, un premier et beau sujet d'émerveillement. Son père, en collaboration avec son oncle, n'avait-il pas succédé aux Custode, aux Ristori, les faïenciers célèbres de la rue Saint-Genest ?
  • De bonne heure Fernand Chalandre suit les cours de l'École municipale des arts située place Carnot dont il devient un des meilleurs élèves. Sous l'intelligente direction d'un maître tel que fut Léon Legendre, il apprend, non seulement à dessiner, à composer, mais à sentir, à voir par lui-même. Initié, pour un but pratique, à tous les moyens de reproduction artistique : crayon, plume, pinceau, burin lui deviennent des outils familiers.
  • Ses premiers essais de composition typographique : en-têtes, culs-de-lampe, ornent la Revue du Nivernais dès 1897.
  • Ses premiers dessins, pour la plupart réhaussés de couleurs, apparaissent aux expositions de la Société artistique de la Nièvre.
  • Mais attiré par l'eau-forte(1), il commence à graver une série de petites planches de cuivre, qu'il réunit sous le modeste titre : Nevers.
  • Enhardi et soutenu par de sincères et fraternelles amitiés, il grave l'Escalier de la mère Ohleyer. Grande planche représentant, dominée par la haute cage d'un escalier à balustres branlantes, une cour étroite qu'animent, parmi tout le désordre d'un bric-à-brac romantique, de pouilleux locataires.
  • Cette eau-forte, nous eûmes la très grande joie de la voir admise au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts de 1908. Ce fut un premier succès.
  • L'année suivante, au Salon de la même société, Chalandre est représenté par l'Escalier des Jacobins. La municipalité nivernaise remarque à la septième exposition du Groupe(2), cette page d'histoire locale, et en fait l'acquisition pour le musée de la ville. Ce fut le premier encouragement officiel.
  • En 1910, le Salon lui refuse la Porte du Croux. Cet échec le laisse désemparé et pour un temps doutant de lui-même.
  • L'an suivant à l'approche du Salon, faute d'une planche de buis, aiguisant son burin, il taille rageusement dans un misérable morceau de linoléum, ce morceaux de choix : l'Abside de l'Église Saint-Étienne. À nouveau les portes de la Nationale se rouvrent.
L'abside de l'église Saint Etienne
  • Mais le lino ne supportant pas de fortes pressions, ce n'est qu'à quelques exemplaires que cette planche fut tirée. Chalandre se procure alors des planches de buis, car il veut que son œuvre, par sa diffusion, reste nettement populaire.
  • C'est à partir de cette époque que la xylographie(3) devient son mode de prédilection. S'y exprimant avec plus d'aisance et de hardiesse, il troque le cuivre contre le bois. Et c'est au cœur de celui-ci que, d'année en année, sa sûre technique des noirs et blancs va s'élargissant. En noir ou en camaïeu, avec un jeu de deux ou trois tons, les salons voient défiler les vieux coins de Nevers : rues silencieuses, vieilles demeures, rivières tranquilles où somnolent les bateaux des pêcheurs ; estampes toujours couronnées par la haute tour gothique que ceinturent les saints hiératiques protecteurs de la ville.
  • Le Salon de la Nationale de 1912 s'est ouvert et un ami, qui a vu, de ses yeux vu le catalogue, assure que Chalandre n'y figure pas. C'est inexplicable puisque notre ami n'a point reçu le fâcheux avis d'avoir à retirer son œuvre refusée !
  • Huit jours se passent, du comité des Artistes Français, arrive une fiche d'admission.
  • Quoique la chose paraisse invraisemblable, en tout point elle est véridique : le commissionnaire parisien s'était, au Grand Palais, tout bonnement trompé de porte. C'est ainsi que bien involontairement, la Tour de la cathédrale Saint-Cyr figura au salon des Artistes Français de 1912 ou du reste Chalandre continua d'exposer jusqu'en 1914.
  • En 1919 le British Museum lui achète une série de bois gravés dont The Studio avait donné des reproductions.
  • À la reprise annuelle des salons en 1920 le voilà de retour à la Nationale où l'importance de deux camaïeux : l'Escalier de la Poissonnerie, Cour de l'Hôtel du Grand Monarque lui vaut le titre d'Associé. Ce fut la première récompense.
  • Pressé par de bons amis, sans se soucier des difficultés à quitter pour un temps Nevers, il passe un long mois de l'automne 1922 à La Charité et plusieurs jours à Cosne où il recueille de précieux documents. Il nous revient son carton bourré de dessins dont nous retrouvons au Salon de 1923 deux beaux souvenirs : Les vieux toits à La Charité et La maison des Chapelains à Cosne.
  • Énumérer les revues, gazettes, magazines et journaux artistiques de France et de l'étranger, surtout d'Amérique, qui reproduisent ses œuvres, remplirait des colonnes. Chalandre les entasse sur les hauts rayons de son atelier où sa modestie les cache.
  • Sollicité, toujours mis à contribution, son bon cœur n'a jamais su refuser.
  • En son atelier(4), jouxtant l'antique Prieuré Saint-Étienne, Chalandre ne chôme jamais. Entre d'amicales et familières causeries, il dessine ou grave sans arrêt.
La rue des Juifs à Nevers
  • Son talent, généreusement il le disperse à tous les vents pour le plus grand profit de tous. Il illustre les Poèmes du Clocher de Raoul Toscan(5), Le Rimoir de Fanchy de Louis Mirault, Poèmes de Perradon-Deshayes, Déplaisances de G. Thuriot-Franchi. Il collabore à imager revues et journaux locaux, les bulletins des sociétés savantes, les guides touristiques, l'Annuaire du département : et le Groupe(2) est fier de posséder en la collection de ses catalogues la meilleure part de ses travaux.
  • Avec peine, il arrive à satisfaire aux pressantes demandes de marques de possession des bibliophilies. C'est que, dans les ex-libris, Chalandre déploie un remarquable talent de vignettiste. Le dernier en date rappelle d'une heureuse façon l'origine nivernaise et les goûts nautiques de son possesseur, le si bien-veillant et si dévoué docteur Pierre Amenille.
  • Depuis quelques mois, à la suite de ce labeur incessant, Chalandre a dû momentanément interrompre le travail.
  • Aussi sous la blonde et douce image peinte par André Favory, sous le cliché véritablement artistique de Georges Tardy, je ne puis résister non seulement à épingler les vœux que tous nous faisons pour son prompt retour à sa belle activité, mais aussi ces lignes tracées en 1923 par la grande et forte amitié de Jean Gromolard :
    « Chalandre ! - Mais c'est, - encore, - le meilleur ami de chacun, - celui que, dès le retour au pays, on court voir ; celui à qui on dit tout, à qui on ne peut rien cacher ; celui que les enfants, dans les vieilles cours où il s'attarde à dessiner, approchent sans crainte et tutoient d'instinct, - celui qui, tant il est simple et bon, fait oublier parfois, - au contraire de tant d'autres, - qu'il n'est pas qu'un ami et est un grand artiste... »
  • Privé de l'usage de ses jambes, Fernand Chalandre se meut difficilement et ne circule plus guère que dans une petite voiture d'infirme. Quelques semaines avant sa mort, la maladie l'avait obligé à laisser presse et burins. L'artiste meurt le 21 mars 1924 dans son atelier et a donné son nom à une rue de Nevers.

(1) Procédé de gravure en creux sur une plaque métallique à l'aide d'un acide qui « mord » le métal. À l'origine, l'eau-forte était le nom donné à l'acide nitrique.
(2) Le Groupe d'Émulation Artistique du Nivernais est une association artistique composée de peintres, sculpteurs, céramistes, d'amateurs et de collectionneurs d'art fondée en 1902 par François Guyonnet, Léon Gautheron, Louis Jolivet, Joseph Grémion et Paul Rollin.
(3) Procédé de reproduction multiple d'une image sur un support plan, papier ou tissu, en utilisant une tablette de bois gravé comme empreinte pouvant être reproduite par estampage.
(4) L'atelier était situé au n° 1 de la place de la Charte qui correspond au n° 31 de la rue Saint-Étienne.
(5) Fernand Chalandre à échangé une correspondance comprenant seize cartes autographes écrites entre 1913 et 1920, toutes adressées à Raoul Toscan. Cette correspondance donne des informations sur la qualité de leur relation et sur leurs implications dans la vie artistique nivernaise de cette période, notamment à Nevers.


Source : Paris Centre édition du 23 mars 1924, article écrit par Gui (pseudo de François Guyonnet qui a donné son nom à une impasse de Nevers, l'impasse Gui.
Site nevers.fr
Site europeana