Accidents aériens

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1934, l’Emeraude, un trimoteur rentrant d’Indochine, s’écrase à Corbigny avec 10 personnes à bord

Monument commémoratif érigé en 1938

Le trimoteur Emeraude est tombé en flammes, hier soir, vers vingt heures, à un kilomètre à l’ouest de Corbigny, près de Clamecy. Les dix personnes qui étaient à bord ont été carbonisées. Telle est l’effroyable nouvelle qui arriva à Paris dans la soirée alors que l’on fêtait encore les vaillants équipages de la Croisière africaine.
Voici comment le journaliste du « Petit Journal débute » une série d’articles qui vont occuper la une des journaux pendant une semaine.


Nous sommes dans les premiers jours de l’année 1934

  • L’Emeraude part de Saigon le 5 janvier et vole le même jour jusqu’à Calcutta soit 2.100 km.
  • Il en repart le 6 pour Karachi où son train d’atterrissage est endommagé lorsqu’il se pose à Gwadar.
  • Les réparations effectuées, l’avion repart le 9 janvier et se pose le lendemain à Bouchir, Bassorah et enfin Damas.
  • Le 12, l’Emeraude est à Athènes.
  • Le 15 janvier, l’avion arrive peu après midi à Marseille Marignane d’où il repart à 15h10.
  • Il est contraint de se poser à Lyon après avoir lutté contre une violente tempête. Il est alors 16h20. La situation météorologique ne s’arrange pas mais il est décidé de terminer ce voyage étant donné le peu qu’il reste à faire, d’autant plus que les passagers ont hâte de rentrer à Paris.
  • A 18h15, le trimoteur reprend son vol. Il n’arrivera jamais au Bourget où une foule immense l’attend.
  • A 19h20, le radio envoie un message au Bourget : "Volons à 1.700m dans une tempête de neige"
  • Puis plus rien.


Le journaliste relate ainsi l’accident :

Selon M. Naudin, maire de Corbigny, qui entendit le bruit des moteurs, l’accident se serait produit à 19h45. L’avion volait très bas au milieu des rafales de neige. M. Naudin chercha à le distinguer dans les ténèbres. Soudain, il crut voir des flammes jaillir, puis ce fut l’écrasement au sol.
A 23 heures, on s’efforçait de dégager les derniers cadavres de l’enchevêtrement des débris. Autour de l’appareil, on trouva des papiers, des photographies prises au Cambodge et les cartes de circulation de Mme et d’Emmanuel Chaumié.
Le témoignage de M. Naudin ne peut-il pas être interprété ainsi : pris dans la tempête, l’avion cherche à atterrir. En se rapprochant de la terre, il heurte un obstacle et c’est l’écrasement au sol, au milieu du feu ?
Un gendarme était en train de dîner lorsqu’il entendit le ronronnement de l’avion. Il ouvrit sa fenêtre et regarda : l’appareil n’était qu’à 150 mètres du sol et une ou deux secondes plus tard, il s’effondra en flammes.
Madame Perdriat, femme d’un docteur de Corbigny, qui, elle aussi observa le vol de sa fenêtre, déclare qu’elle aperçut une lueur extrêmement vive qui alla en s’abaissant vers le sol et fut suivie quelques secondes plus tard d’une explosion très violente. D’après ce témoignage précis, le feu était à bord un instant avant l’effondrement.
C’était, a dit Mme Perdriat, "comme une lueur de soleil"
Ces déclarations établissent donc que l’incendie précéda la chute. Mais comment prit-il ?
Les secours furent impuissants tant la chaleur resta effroyable autour du brasier, longtemps après la chute. Les pompiers et les gendarmes ne pouvaient pas approcher.


Le lendemain, mercredi 17 janvier, un autre témoignage, celui de M. André Laurent, 27 ans, habitant rue Claude Tillier, à Nevers, et qui s’occupe de fournitures pour l’aviation.
Situons d’abord l’endroit exact où s’est passé ce qui va suivre : c’est la route de Panneçot à Anlezy, orientée d’est à ouest, à 8 km ouest de Panneçot, 30 km sud de Corbigny par la route, 20 km sud à vol d’oiseau. Voici ce qu’a raconté le témoin :

Je me dirigeais vers Anlezy. Il devait être environ entre 19h30 et 19h35 lorsque j’entendis un avion passer très bas au-dessus de ma voiture. Je l’entendis revenir une seconde fois, puis une troisième. Je pensai à ce moment qu’il devait être en difficulté et comme par suite de la tempête, les maisons des pays environnants n’étaient pas éclairées, une panne les ayant privées de lumière, j’arrêtai ma voiture et ouvris mes phares. C’est à ce moment que je vis, à 50 mètres devant moi, un avion, piquant vers un champ. Je vis ses hublots allumés et ses deux feux de position blancs. L’avion descendit très bas, puis remonta pour retomber quelques mètres plus loin vers un bouquet d’arbres. J’entendis à ce moment un craquement terrible. L’avion remonta à nouveau et manoeuvra ses phares. Je vis également une traînée rouge. On eut dit que c’était une fusée ou un pétard. Mais comme je n’entendis aucune détonation, je pensai que cela pouvait être soit un autre feu de position, soit tout simplement la lueur de l’échappement. Je remarquai également que l’un des moteurs marchait d’une façon inégale et je pensai qu’il devait y avoir quelque chose d’abîmé dans les bougies. Du reste, l’appareil n’avait pas l’air d’être en parfaite stabilité. Je mis ma voiture en marche, toujours dans la direction d’Anlezy, et j’eus l’impression que l’avion suivait pendant quelque temps le même chemin que ma voiture. Mais cela ne dura que quelques instants : l’avion piqua plein nord, en direction de Corbigny.
Je n’y pensai plus et ce n’est qu’aujourd’hui que j’appris incidemment l’accident à midi, alors que je me trouvais à Anlezy, par des voyageurs que je connais et qui étaient passés à Corbigny dans le courant de la matinée. Me rappelant alors mon avion de la veille, je sautai en voiture pour gagner Corbigny
Le récit de M. André Laurent intéressa vivement les enquêteurs …


Les 10 victimes

  • André Launay : le pilote qui totalisait près de 7.000 heures de vol
  • Camille Crampel : le mécanicien
  • Ferdinand Queyrel : Radio
  • Pierre Pasquier : Né en 1877 à Marseille, gouverneur général de l’Indochine
  • Léon Brusseaux : Officier d’ordonnance de P. Pasquier
  • Emmanuel Chaumié : Directeur de l’aviation civile au ministère de l’Air
  • Colette Chaumié : Son épouse
  • Maurice Noguès : Directeur général adjoint chargé de l’exploitation de la compagnie Air France et pionnier de l’aviation
  • Maurice Balazuc : Directeur technique d’Air France
  • Jean Larrieu : Journaliste âgé de 35 ans

Les corps furent transportés à Paris pour les funérailles


Le Petit journal commente ainsi la levée des corps à Corbigny :

Corbigny, 18 janvier
La petite ville était en deuil, ce matin, car avait lieu, en grande solennité, la levée des corps des victimes de la catastrophe de lundi. Presque à l’aube, une voiture de fleurs, venue de Paris, avait apporté à la mairie, devant la chapelle ardente installée dans la salle de la justice de paix, les gerbes odorantes aux teintes radieuses envoyées par les membres du gouvernement et les familles. Elles se mêlèrent aux modestes présents fleuris des habitants du pays, et l’hommage symbolique de la nation entière s’exprima ainsi autour des dix cercueils.
Par la route, par le train arriva la foule éplorée des parents et des amis.
A 9 heures entrait à Corbigny la compagnie d’honneur, envoyée par le 13ème régiment d’infanterie de Nevers, et amenée par le capitaine Renard et les lieutenants Lepage et Boissonnet. Plus tard, le colonel de Chary et le commandant d’armes de Nevers allaient se joindre au groupe des officiels.
Les magasins et les boutiques ne firent que s’entrouvrir pour, aussitôt se refermer et, à 10 heures du matin, on ne voyait plus, dans la grande rue de Corbigny, qu’une perspective de volets de bois clos. La pluie qui avait fait depuis deux jours, des apparitions intermittentes, tenta encore quelques brèves offensives qui firent immédiatement éclore, au-dessus de la foule, une carapace brillante de parapluies noirs et luisants.
Les gens étaient venus des plus lointains villages unir leur hommage recueilli à celui des Parisiens et des Corbigeois et l’on peut affirmer, sans crainte, que la population entière de la région était présente à la triste cérémonie.
A 10 heures, toute circulation est interrompue sur la voie qui joint la mairie à la gare et qui sera tout à l’heure noire de monde. On reconnaît : MM. Delasalle, sous-secrétaire d’Etat à l’Air ; le général Pelletier, représentant le ministre des Colonies ; M. Puget, chef de cabinet du ministère de l’Air ; le général de Goys, commandant la deuxième région aérienne.
Sur la place triangulaire de la mairie, les soldats bleu horizon forment une double haie. Les gendarmes se tiennent au long de la rue qui monte vers la gare. Quelques instants plus tard, Mgr Flynn, évêque de Nevers, accompagné des membres du clergé, pénètre dans la chapelle ardente.
Après le De profundis, les bières sont placées sur deux camions : cinq par véhicule. Les voitures sont recouvertes d’étoffes noires constellées d’étoiles d’argent, mais tout disparaît sous les fleurs.
Le cortège s’ébranle. Viennent d’abord les troupes, arme sur l’épaule, la musique de Corbigny, les enfants des écoles, filles d’abord, garçons ensuite, les pompiers corbigeois, les anciens combattants et mutilés portant leurs drapeaux, les scouts de France. Les deux chars funèbres suivent, précédés par deux files de soldats, l’arme au bras, et encadrés par des pilotes en tenue, casquette à la main.
Derrière, ce sont les familles, les représentants officiels, les notables de la région. Puis c’est la foule, pieuse, recueillie.
Le cortège monte lentement vers la gare, décorée aux couleurs nationales, où attend déjà le fourgon.
La musique joue une marche funèbre. Les femmes pleurent sous leurs voiles de deuil, communiant en une même douleur. Les hommes tentent de cacher leur émotion, mais bien peu y parviennent.
Le tragique convoi est enfin arrivé à la gare et s’arrête. Mgr Flynn dit le Libera. Les cercueils sont chargés dans le fourgon transformé en chapelle ardente. La musique joue la Marseillaise.
A 14 heures 25, le train, lentement, s’éloignait vers Paris.


  • Seuls, les extraits concernant la Nièvre ont été reproduits.
  • Pour consulter tous les articles relatifs à cette catastrophe, voir le quotidien "le Petit Journal" numérisé par Gallica.

Les articles sont parus du 16 au 19 janvier 1934.

  • En 1938, un monument fut construit pour commémorer l’évènement :

Quatre colonnes pointées vers le ciel, adossées à une stèle large de 26 mètres représentant l’envergure de l’avion (l'image qui illustre cet article est tirée d'une carte postale 'Alain'.

  • Le 15 janvier 2009, M. Jean Paul Magnon, maire de Corbigny, a présidé une cérémonie de commémoration du drame qui s'est produit 75 ans plus tôt.

--m mirault 18 février 2009 à 09:54 (UTC)